« L’homme est un chasseur »

18 mars 2019

« Chérie, j’ai vu une femme en entretien aujourd’hui, tu sais, pour le poste d’assistant. Je vais donner ma réponse demain, mais tu vois je préfère bosser avec les hommes. Ouais, c’est un monde d’hommes l’industrie ! Et surtout, chérie, une femme avec autant d’hommes, quelle tentation ! Je me sentirais mal vis-à-vis de toi… »

« Chérie, c’est toi qu’est chaude franchement ! Je peux pas me contrôler quand je te vois… Alors au calme, ouais, je sors voir mes potes. »

« M’sieur l’agent, j’y peux rien moi ! Je lui dis qu’elle est bonne, c’est tout. Elle n’a qu’à pas se saper comme ça ! »

« Bon, récapitulons, Madame, votre mari vous a bousculée violemment, parce que… il était contrarié ? C’est peut-être qu’un accident. Il ne pouvait pas savoir qu’il y aurait le coin de la table… Ah ! Il était jaloux ? Ben en même temps, laisser votre voisin porter les courses, c’est pas sérieux ma bonne dame ! »

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Quatre situations, quatre hommes, une seule femme…

Je vais laisser de côté le politiquement correct et dire ces mots :

« Tous ceux, tous ceux, tous ceux
Qui me viendront, je vais vous les jeter, en touffe,
Sans les mettre en bouquets : j’[en ai marre], j’étouffe,
Je [hurle], je suis [folle], je n’en peux plus, c’est trop »

(Cyrano)

Chère Florence DAREL, tu nous as toutes montré la voie/voix :

« Les femmes, on est toujours dans le porte-à-faux de…

‘Vous êtes séduisantes, vous faites tout pour séduire, donc après vous plaignez pas si vous êtes séduites ! Vous devriez être flattées…’

J’ai entendu ça une fois !

J’ai entendu quelqu’un qui a essayé de m’embrasser et qui m’a dit :

‘Ben, tu devrais être flattée…’

Mais flattée de quoi ?

Je veux dire, c’est comme si nous, on était les tentatrices et que ce qui nous arrivait était bien fait pour nous !

Et ça, c’est absolument immonde ! […]

On fait que les femmes portent un poids, d’être celles par qui le péché arrive, quoi !

Mais qu’est-ce que c’est que ça ?

Quand est-ce que les hommes vont être adultes et considérer que les femmes ne sont pas un trophée, ne sont pas un butin qu’on ramasse quand on a le pouvoir !

(octobre 2017)

Considérons qu’on se bat pour plus d’égalité entre les hommes et les femmes depuis des décennies.

Considérons que le droit de vote nous a été accordé après de longues luttes – mais pas partout.

Considérons qu’on laisse nombre de femmes dans l’obscurité, prison de voiles, et l’ignorance, de peur qu’en déchiffrant les maximes de la liberté, elles ne mettent les voiles ailleurs.

Considérons qu’on les soustrait au monde, au regard d’autres hommes, qu’on les plonge dans le mutisme – parfois appelé « obéissance » – et la peur – parfois appelée « maltraitance » – en jurant qu’on les protège contre ce monde sauvage et sans pitié.

Considérons que la main qui pousse le berceau mérite plus de respect, plus d’amour, plus de confiance, plus de liberté qu’on ne daigne lui en accorder.

Considérons que notre civilisation se parjure si elle croit soumettre les mères et les filles et qu’un jour nous en paierons tous le prix.

Alors, cessons de considérer, il est temps de gracier les prisonnières muettes…

Il existe une vieille tradition qui rend – appelons-la « Marie » – Marie responsable des excès de son homme. Ce dernier est animé par de nobles passions, irrépressibles parfois, qui l’envahissent sans crier gare. Sous l’effet de ses passions, son homme s’emporte, la désire, la rabaisse, la désire à nouveau, s’impatiente, la rejette, en désire une autre et ainsi de suite.

Une fois sorti de la caverne, l’homme de Marie devient incontrôlable ! Mais ce n’est guère sa faute, il est victime de ses passions/pulsions !

Il y a encore quelques années, Marie aurait appris, après une période post-maritale raisonnable, que son homme était devenu Homme avant de rencontrer sa douce Marie. C’est comme ça, son homme n’avait fait que prouver sa virilité de cette façon et il avait bien dû régaler l’oreille de ses compères de tous les détails charnels propres à cette plongée dans la vie adulte.

Marie avait été trompée sur la marchandise, parce qu’on ne disait pas ces choses aux jeunes et jolies filles comme il faut. Il avait de l’expérience, son homme ! Navrée de le déclarer, mais Marie méritait la vertu qu’elle traînait sous son long voile immaculé tandis qu’elle avançait timidement dans la froide allée de l’église de son village.

Aujourd’hui, femmes et hommes n’ont plus rien à offrir sur l’autel du mariage – quand/s’ils se marient – tout a été consommé avant avec d’autres, avec lui… Eh oui ! il fallait bien voir si ça collait dans l’intimité ! Foutaises ! On ne décerne aucun brevet pour l’art d’embrasser et le reste… Ces « compétences » du XXIe siècle n’ont rien à voir avec l’amour, le vrai. On trompe sa solitude avec le corps de l’autre et cela dure un temps, puis on se lasse et on passe au prochain et ainsi de suite. Pas étonnant que notre espèce aille si mal !

Bref, il est temps pour Marie d’être aimée et pas protégée. Problème : si Marie veut juste être aimée par son homme et pas protégée comme une petite fille qui n’aurait jamais grandi, son homme fout le camp ! Il veut se sentir utile, viril, insensible, une vraie pile ! Une petite crise de la quarantaine, de la cinquantaine ou une petite crise tout court et adieu les vœux de mariage !

Son homme remonte le temps ou la rue pour (re)trouver la Marie d’autrefois, douce, docile, fragile qui avait tant besoin d’être protégée et apprivoisée au sortir de l’adolescence. Il tombe sur Britney, si jeune et naïve qu’elle ne connaît les hommes que sur écran. Les comédies romantiques ont bien fait leur travail ! Britney voit cet homme viril qui quitte tout pour elle et croit vivre enfin une de ces folles histoires d’amour enrobées de sucre, de musiques niaises, de brushing parfait, de voyages à Honolulu, de nuits étoilées… Arrêtons-là !

Les lieux et les circonstances ne font pas les hommes, loin de là ! Ils ne sont que des décors en carton-pâte sur lesquels on épingle le mot « A-M-O-U-R » en attendant que Gene Kelly surgisse, fasse deux pas de claquettes, susurre à notre oreille « You are my lucky star… » et nous cogne la tête contre le projecteur.

Pauvre Britney ! Son homme n’en fait pas tant et elle le porte déjà aux nues ! Mais tôt et tard, il fera d’elle ce qu’il a fait de Marie… Pourquoi continue-t-il de toutes les traiter en éternelles mineures ? À mi-chemin entre le papa et le grand-frère, cet homme bourre son torse du coton de la domination et il ne connaît pas d’autre rôle. Il se voit disparaître et dégonfler dans la complémentarité d’une relation saine, alors il mène une chasse sans fin. Il est insatiable, colérique, jaloux et finalement très faible, alors il cogne avec les mots et les poings. Il défigure Marie, il défigure Britney dès qu’elles appuient sur le coton de ses failles pour percer l’abcès. La rage le gagne, ça l’étouffe, il rabaisse, il casse la porcelaine, il fout le camp, il revient, il cogne et c’est un cycle sans fin… Il ne reconnaîtra jamais que c’est contre son enfance qu’il se bat, l’absence d’un père, l’indifférence d’une mère, la peur d’être encore abandonné par une femme… que sais-je ?

L’homme ne devrait avoir qu’une mission : aimer une femme avec douceur et constance et délaisser toutes les autres. Marie a rêvé qu’un homme bâtisse pour elle une véranda toute blanche et lumineuse qu’elle remplirait de ses rêves, de ses œuvres, de ses chants, de ses couleurs, de ses rires, de machines à écrire… Donnez cette chambre à soi à Marie – comme dirait Virginia Woolf – et elle portera son homme jusqu’aux étoiles, elle séchera ses larmes, elle le soutiendra dans tous ses projets, elle travaillera avec lui, elle sera alors devenue une femme et pas une petite fille.

Vous dites que c’est un vœu pieux ? que je suis une rêveuse ? que ce monde est bien trop cruel pour contenir une telle véranda ? Peut-être… Quant à moi, je refuse que ma condition de femme rende acceptables des paroles et des comportements grossiers, infantilisants et violents. Je refuse qu’on me dise que je suis « bonne », « chaude », « cougar » dès que je sors mon manteau à motifs panthère ou « gentille », « spirituelle », « niaise » dès que je montre de la patience à écouter l’autobiographie lue, racontée, augmentée, illustrée d’un gus.

« Un jour, je voudrai(s) être maîtresse ! »

8 MARS 2019

Quelle petite fille n’a pas fait une telle déclaration à 5, 10 ou 12 ans ?

Nous avions les yeux pétillants de rêve, d’optimisme, de foi en l’humanité !

Nous avions déjà tout préparé : les cahiers des élèves-peluches, les livres à lire, les goûters à distribuer, les récréations, les évaluations, tout.

Tant d’enthousiasme nous poussait à répondre à la place des élèves-peluches, à écrire à la place des élèves-peluches, à réciter à la place des élèves-peluches… Bref, nous étions à la fois la maîtresse et l’élève, le pédagogue et l’apprenant (comme on dirait aujourd’hui) avec une pointe d’autorité bien assumée qui n’avait pour autre objet que notre moi enfant qui jouait de temps à autre le perturbateur.

Une telle organisation excluait bien souvent une camarade. Que ce soit notre voisine de palier, notre petite sœur ou notre amie d’école (qui menace toujours de sceller notre destin par les mots terribles « Je te cause plus »), toute tentative d’ajouter à la colonie des peluches une élève en chair et en os s’avérait délicate voire impossible.

Soit votre classe se soldait en inclusion/exclusion de l’élève qui n’acceptait pas les règles de votre petit royaume muet, soit vous étiez vous-même renvoyée et remplacée par votre amie ou votre sœur encore plus tyrannique : « C’est à mon tour de jouer la maîtresse ! Et si tu ne joues pas l’élève et ne fais pas tout ce que je te dis, tu vas dans ta chambre ! Les récalcitrants, on n’en veut pas, n’est-ce pas Toby ? Oui, tu es sage toi… »

Les années passèrent et la petite fille devint une grande personne et la grande personne devint une maîtresse.

Elle pensait avoir fait ses preuves ou « son année de stage » lors de ses vacances d’été intensives toutes dédiées à l’éducation de ses élèves-peluches.

Cependant, lorsqu’elle entra dans la vaste arène de l’Éducation nationale, Lise comprit qu’elle était face à un tout autre public dans un tout autre monde.

Il fallait faire comme tout le monde, penser comme tout le monde, enseigner comme tout le monde et être comme tout le monde. En un mot, il fallait cesser de CRÉER.

Alors, Lise rangea ses crayons de couleur avec lesquels elle avait dessiné toute son enfance et elle se retroussa les manches.

Règle numéro 1 : toujours laver son linge sale en classe et pas en salle des profs.

C’est un formateur qui a fait ce conseil à Lise. Une métaphore, tout un programme.

C’est comme dans La Nuit au musée : « Larry, personne ne doit entrer dans le musée et rien ne doit en sortir »

Il faut constamment jouer le rôle du prof qui gère, oui, gère de ouf !

« Comment ça se passe avec les 3E ? – Au calme, frère, ils sont super attentifs, super respectueux, super dynamiques »

Traduction : « Ils s’en foutent de mon cours ; ils ne savent dire ni bonjour, ni merci, ni au revoir ; ils ne lèvent pas la main et ils disent des niaiseries… »

Mais ça, chut ! personne ne doit le savoir ! Il faut donc bricoler une version officielle et garder entre ses quatre murs insonorisés la version off, la vérité, quoi !

Règle numéro 2 : saluer sa Direction comme un guerrier samouraï.

Vous savez, ce salut très bas, très respectueux qui vous permet d’enfouir votre visage dans vos jambes et de courber l’échine à souhait. C’est un salut silencieux, voilà ce qui compte !

Ne jamais donner son avis, ne jamais protester, respirer à peine et dire oui à tout.

C’est comme ça qu’on devient un Hussard de la République ! Et l’Education nationale, elle aime les bons petits soldats formatés, pâles et maigrichons dans leur grande blouse noire.

Acceptez d’appliquer toutes les réformes les plus stupides et abrutissantes qui soient et vous obtiendrez une note administrative et pédagogique plus élevée que celle de vos collègues. Mieux, vous sauterez quelques échelons comme jadis vous sautiez les niveaux en maternelle et primaire et serez peut-être reçu dans l’état béni des mages de la classe exceptionnelle !

Je tiens quand même à vous avertir que rien n’est jamais gravé dans le marbre. Une réforme de plus et hop ! tous les échelons sont mélangés comme les lettres du scrabble et vous découvrez au retour des vacances d’été que vous avez été recalé pour cause de ré-harmonisation, d’égalitarisme, de bourses vides… #MinistèreDeL’EducationÀSec

Il est possible que votre augmentation #HorsClasse et par conséquent votre retraite soient retardées de quelques années et comme avec la SNCF, c’est un retard I-N-D-É-F-I-N-I.

Règle numéro 3 : l’habit ne fait pas le moine, mais enfin si !

Oups ! les collègues historiens de Lise vont s’empourprer en lisant ce dicton non laïque… « Renvoyée ! »

Quand on entre dans l’Education nationale, on fait vœu de silence (voir règle n°1), vœu d’obéissance (voir règle n°2) et vœu de pauvreté (règle n°3).

Je m’explique. C’est déjà trop de vous accorder horaires de travail allégés, vacances pléthoriques et sûreté de l’emploi, vous devez compenser ce statut fort avantageux par une allure modeste voire loqueteuse.

Vous ne travaillez pas aux ressources humaines chez Chanel, ah ça non ! Martelez-vous bien la tête de cette vérité : vous avez passé un concours d’animateur et d’éducateur à plein temps, rien à voir avec la culture, les arts, la littérature.

Mieux vaut prendre de l’avance cette fois-ci, la prochaine réforme consistera sans doute à rebaptiser chaque établissement « L’Île des plaisirs ». Douce appellation qui verra tous nos chérubins se perdre comme Pinocchio dans les barbes à papa, les flippers, les escape games (eh oui c’est au programme de français, demandez à la collègue de Lise, un escape game sur Antigone), les tablettes, les banquets de bonbons sans fin, les cartes au trésor (oups ! cartes mentales) et la liste est longue.

Lise vous assurera qu’elle a vu ses « apprenants » se métamorphoser en ânes et faire Hi-Han du matin au soir après deux mois passés sur l’Île des plaisirs.

Lise ajoutera que les intervenants (anciennement appelés « professeurs ») subissent eux-aussi une métamorphose après une année d’enseignement sur l’Île des plaisirs. Ils deviennent dingues des voyages scolaires dans les marchés de Noël en Allemagne pour découvrir une nouvelle langue, une nouvelle culture à coup de vin chaud. Ils supplient tonton Sam de rester plus longtemps au centre aéré (anciennement appelé « collège »), parce que leurs meilleurs amis et leurs plus beaux accomplissements s’y trouvent !

Même malades, ils se traînent dégoulinants de fièvre jusqu’à l’Île des plaisirs pour finaliser les inscriptions des Pinocchios au prochain pique-nique à Andalasia. Bref, les intervenants finissent eux-aussi par faire Hi-Han, Hi-Han du matin au soir. Faut croire que le sucre leur est monté à la tête !

Non, non et non ! Lise refuse qu’on l’appelle l’intervenante, l’animatrice, la guide touristique, la responsable du service après-vente #RéclamationParentsNotes. Elle se pointe lundi matin, manteau panthère de chez Gucci, lunettes de soleil Ralph Lauren en plein mois de janvier, pantalon noir Esprit, bottes Ralph Lauren et marre ! Peu importe si elle a un découvert de 500 euros (mais ça personne ne le sait !), peu importe si elle passe pour la bourge parisienne de la Sorbonne, peu importe si on lui rit au nez…

Elle résistera en brûlant sur l’autel de la Décence et du Savoir l’affreuse blouse noire républicaine qu’on veut la forcer à enfiler. Et entre ses quatre murs, elle peindra des métaphores, des mondes, des scènes de théâtre, des grandes idées, de l’humanisme, La Fontaine, Hugo, Camus… Cette salle, c’est son petit Jersey à elle aussi !

Règle numéro 4 : ne jamais malmener la chair de leur chair

Lise est claquemurée dans une salle aux murs en crépi pendant quatre bonnes heures. Dans le jargon officiel, on appelle cela « la réunion parents-professeurs ». Moi je ferais une réforme pour faire évoluer ce nom, ce concept en « cercle de bienveillance pour parents et enfants incompris, indécis, incapables ». Un peu dur, non ? Figurez-vous que les gosses barbouillés du sucre rose de la barbe à papa qui accompagnent leurs parents ont leur mot à dire désormais et ils finissent par faire taire leurs parents : « Ecoute, laisse parler les grands là, weisch, t’es pas dans le coup ». Vous me direz, au moins ils ont appris un mot allemand sur l’Île des plaisirs.

Lise mesure chaque mot qu’elle prononce et elle ajoute une bonne dose d’espoir factice à chaque commentaire « négatif » qu’elle fait sur l’apprenant. Exemple : « il ne travaille pas, mais il a du potentiel… »

Rappelez-vous que l’élève n’est que le modèle réduit de ses géniteurs. Faire le procès de l’élève c’est faire en miroir celui de ses parents. Il vaut mieux hisser le drapeau blanc avant que les hostilités ne soient déclarées. Souriez, soyez concis, oubliez votre vieux rêve de refaire le monde, soyez bienveillant (« vous mentez ! ah non je flatte ! ») et laissez tomber les chaises. Si les parents sont débout, ils partiront plus vite !

Bon il y aura toujours ceux qui verseront quelques larmes : « Je n’y arrive plus, il a changé depuis la 6e, il est toujours sur son téléphone. Son père et moi avons divorcé… »

Puis, ceux qui vous compteront des fables : « Son oncle est mort en septembre et en décembre son grand-père, ça l’a beaucoup perturbé, il ne travaille plus… »

Les peureux qui ont besoin du prof pour asseoir leur autorité : « Ecoute, Mme X aussi est témoin, là c’est fini, tu n’auras droit qu’à deux heures de console par jour et après devoirs… »

Les parents-collègues qui pensent connaître le programme mieux que vous : « J’ai vu que vous n’avez pas encore traité cette thématique, et franchement, cette œuvre, programme lycée, non ? Mon fils n’a rien compris ! »

Les traumatisés de l’Education nationale qui menacent de vous dégommer : « Alors, j’préfère vous en parler, parce que j’allais débouler au collège. Moi, je veux pas que mon fils soit l’bouc-émissaire comme j’l’ai été, hein. »

Les englués dans leur marasme sentimental : « Ouais, c’est l’faute de sa mère, elle s’est barrée en s’tembre avec mon meilleur pote, si elle vous appelle, vous m’prévenez, je vais lui r’faire son portrait. C’est ce que je dis à mon fils, la violence, c’est pas toujours la solution… »

Cercle de la bienveillance ? thérapie de groupe ? procès de Lise ? Mon cœur balance…

Elle a expédié tous ces fâcheux en un temps record, tandis que ses collègues Hi-Han ont préparé tente, sac de couchage et réchaud. Ce sont les vrais éducateurs ! Quelle conscience professionnelle ! Tonton Sam se frotte les mains !

Conclusion : si vous n’acceptez pas ces règles de l’Île des plaisirs, rappelez-vous que Pinocchio a fini dans le ventre de la baleine, donc tout bien réfléchi, l’Education nationale est en plein naufrage. Faites comme Lise, résistez ! Mais je reconnais que les Hi-Han ont une fâcheuse tendance à abrutir les plus créatifs d’entre nous. Alors fuyez ! Quand on ne peut plus rien transmettre, on n’a plus rien à faire sur l’Île des plaisirs.

Lise a laissé trop d’énergie, de rêves, de larmes dans sa cellule d’enseignante. Cette grande machine a brisé son tempérament d’artiste jusqu’à ce qu’elle décide de reprendre ses crayons de couleur, ses élèves-peluches, ses rêves de petite fille et ses jambes à son cou pour chanter « Somewhere over the rainbow », enfiler ses chaussures magiques et découvrir le monde…

« Hey, tu m’appelles là ? »

4 mars 2019

Il y a des conversations qui commencent comme ça et qui n’en finissent pas.

Lise aurait dû se douter qu’il fallait bloquer cet individu néfaste !

Alors, pourquoi éprouve-t-elle une telle pitié pour Mr Who ? Mais pourquoi, je vous le demande ?

Lise est divisée, tiraillée entre sa vieille amie intérieure qui lui dit : « Mais qu’est-ce que tu t’en fiches de ce gars ?! » et un instinct maternel hypertrophié qui répond : « Non, vraiment tu ne peux pas, tu vas le blesser, il ne s’en remettra jamais, sois chic ! »

Alors Lise cède à cette vague de bonté qui déferle dans son âme jusqu’à noyer son moi profond et elle appelle Mr Who.

Ah non, elle ne fait pas un appel vidéo, parce qu’il ne faut pas exagérer ! Je me soigne pour de bon, avant c’était Skype illico presto pour contenter l’armée de Misters Who qui se pressaient derrière mon boudoir rose fané, couleur de la douceur, de la gentillesse, de la solitude…

Elle élimine donc la webcam, un grand pas en avant. Elle ne veut plus être jugée sur : « Tu sais que t’es belle toi ? T’as de grands yeux, ouais M’dame, ça cogite là-dedans, pour sûr ! Tu dois être bigrement spirituelle, non ? »

Si seulement les Misters Who savaient que ces grands yeux sont faits pour les larmes, des larmes salées, lourdes, chaudes qui sillonnent le visage de Lise.

Elle appelle le Mr Who de cette soirée là…

« Allô ! Ouais. Ça va ? »

Fausse question que Mr Who devrait remplacer par : « Allô ! Ouais. Comment je vais ? Ma foi… »

Car ce Mr Who gagné à la loterie de Messenger n’a qu’une obsession : entamer une autobiographie en trois tomes de sa vie.

Tome 1 : ce qu’aurait pu être son enfance.

Tome 2 : ce qu’aurait dû être son adolescence.

Tome 3 : ce que pourrait être sa vie d’adulte.

Vous l’aurez deviné… une autobiographie faite avec des instruments à vent ou comme j’aime le dire : un costume trois pièces vides.

Pour ce qui est de l’ambition, Mr Who n’en manque pas. Les plans s’échafaudent les uns après les autres et peu à peu Lise a l’impression de voir Ken dans sa penderie essayer toutes les collections printemps/été, automne/hiver de l’année passée, de l’année présente et de l’année prochaine.

Lise en a le vertige et elle se félicite d’avoir bloqué la webcam. Vraiment elle progresse !

Quand Mr Who reprend son souffle entre deux essayages, il se rappelle qu’il a une femme au bout du fil et une femme à séduire. Alors, il entame la parade de l’amour, sauf que contrairement au paon, il n’a plus besoin de tourner physiquement autour de sa proie oups ! femelle.

Il lui suffit de l’embobiner de compliments bien préparés et il y va, il l’entoure, il l’entoure au ruban adhésif jusqu’à ce qu’elle étouffe (quand je parlais de proie).

C’est visqueux, c’est commun, ça sonne si faux ! Mais rien ne l’arrête, rien de rien, la parade de l’amour, c’est maintenant ou jamais (pour certains, il faudrait franchement que ça ne soit jamais).

Regardons du côté de Mr Who…

Il fait défiler les photos de Lise sur Facebook et il a ouvert sur son bureau l’ouvrage si formateur Séduire pour les nuls écrit et publié par Mr Collins, collection Rosings Park, éditeur Lady Catherine de Bourg, édition revue et augmentée par MPokora.

Dès qu’un compliment colle avec une photo, il y va, let’s go guy, elle va tomber raide dingue !

Voici ce que ça donne :

Photo de Lise devant la Statue de la liberté : « Tu es une grande dame, ouais une lady, franchement t’as peur de rien… »

Photo de Lise avec ses neveux et nièces : « T’es une mère dans l’âme, mes enfants seront bien avec toi… »

Photo de Lise avec sa fratrie et ses parents : « Vous êtes au top dans votre famille, j’aime bien les grandes familles, j’en voudrai une un jour »

Photo de Lise au resto : « Toi, tu aimes les bonnes choses, tu cuisines bien, ça se sent, et au fait, tu fais un peu de sport ? Parce que moi, c’est muscu deux heures par jour… »

Photo de Lise avec ses élèves lors d’une sortie scolaire : « Donc toi tu es fonctionnaire, hein ? T’as plein de vacances quoi et tes cours sont faits pour les vingt-cinq prochaines années ? Tu n’as aucun risque d’être au chômage, c’est bien ça, dis donc… Parce que moi, tu vois, j’ai pas encore trouvé ma voie. C’est pas ma faute si la société ne me laisse pas une chance. Faut juste trouver le bon coach, et hop ! je deviens footballeur pro. Ben ouais, c’est possible, faut croire en son étoile… »

Abrégeons ce monologue fort épique, Lise a déjà assez souffert.

Ça ne vous aura pas échappé que Mr Who affectionne tout particulièrement le pronom « je ». Même quand il croit parler d’elle ou avec elle, il parle de lui et pour lui.

Temps de conversation : 1h30.

Lise n’en peut plus, elle n’arrive pas à le couper. Chaque tentative échoue lamentablement. Elle prend son mal en patience et Mr Who devient sa musique de fond sur laquelle elle voit défiler les photos des mecs bien foutus de son site de rencontre.

Ah ! faut dire qu’ils ont l’air parfaits ces gus là ! Pas une ride, pas un 1mm de graisse, sourire Colgate, torse musclé et prénom d’une syllabe. Facile à retenir… Une armée de clones blondinets aux yeux bleus. Appelons-les Ben…

Ben à la plage.

Ben en moto.

Ben joue avec sa nièce ou sa fille (au choix).

Ben avec sa toque brandissant un diplôme de business.

Ben en mission humanitaire.

Ben au bal de promo entouré de ses barbies jumelles.

Ben super cool.

Ben escalade une montagne.

Ben se prend en selfie tout en faisant mine d’être surpris.

Oh Ben ! Ben ! Si je faisais une taille 36, si j’avais les cheveux lisses et une peau parfaite, me regarderais-tu de ton podium américain ?

Soudain, Lise secoue la tête : mais enfin, tu as déjà Ben au téléphone, que veux-tu de plus ? Son poster ? L’enregistrement de sa voix suave ? La conjugaison intégrale de tous les verbes à tous les temps compressée à la seule et unique 1ère personne ?

« Bon écoute, Ben, oups Mr Who, tu es vraiment calé, tu en sais des choses, incroyable ! tu es spirituel, un gars gentil quoi…” (bref, la réponse qui prouve qu’on a perdu le fil depuis trente minutes)

Et là elle hésite entre deux portes de sortie : les neveux l’appellent (mais pour une fois, personne ne crie) ou bien la batterie à plat.

« Mon téléphone va s’éteindre, je n’ai plus de batterie. Désolée… (mais arrête de t’excuser c’est lui qui t’a saoulée) et bonne continuation dans tes projets, faut rien lâcher (sauf moi !). Bye bye… »

Et tout en raccrochant Lise supprime l’application des Ben sur son téléphone et bloque Mr Who sur Messenger.

Encore une soirée gâchée ! Mais cette fois c’est fini. Répète après moi : plus jamais !!!

« Dis, maman, le Bonheur qu’est-ce que c’est ? »

26 février 2019 

Il était une fois une très jolie et très aimable petite fille qui vivait dans une maison tout aussi petite et mignonne qu’elle. Ses parents veillaient sur elle et travaillaient dur pour qu’un jour leur très jolie et très aimable petite fille ait une vie plus confortable et épanouissante que la leur. Alors la petite fille décida sans même se consulter elle-même, disons que ce fut une décision unanime et inconsciente, elle décida donc d’étudier de toutes ses forces pour que ses parents dans leur petite et mignonne maison puissent être fiers d’elle. Cela ne suffisait pas, elle voulait que ses professeurs, ses camarades, ses amis, ses frères et sœurs et enfin l’humanité toute entière soient fiers d’elle.

Les années passèrent et la très jolie et très aimable petite fille devint une adolescente timide qui était tétanisée à l’idée de mal faire et de désobéir. Puis l’adolescente timide et effarouchée devint une femme qui ne savait pas qu’elle en était devenue une. Alors, elle se trouvait mal foutue de partout, gauche et peu sociable. Elle baissait les yeux par peur du jugement des autres, elle rougissait au premier regard qu’un homme posait sur elle et elle empilait les diplômes comme on empile les trophées.

Depuis son premier dessin à l’école maternelle, elle n’avait eu de cesse de remplir la malle au fond du jardin de la petite et mignonne maison de ses parents. Tout y rentrait : dictée, équation, brevet, audition musicale, licence, master, tournoi sportif, concours et elle n’avait jamais cru possible qu’un tiroir « rattrapage » soit enfoui quelque part dans la très lourde malle.

Avait-elle comblé les attentes de tout le monde ? Elle ne le savait même pas, car il lui semblait que cette malle était sans fond, l’herbe avait poussé entre les planches et il lui était impossible de la déplacer. Certains jours, elle se croyait tout aussi engluée dans le jardin de la petite et mignonne maison que sa très vieille malle et elle ne se souvenait même plus pourquoi elle avait commencé à la remplir dès son premier jour de maternelle.

Cette histoire n’est pas si originale, n’est-ce pas ?

Comment la très jolie et très aimable petite fille va-t-elle sortir de son cycle carotte/bâton ?

Vous aimeriez savoir la fin ? Je vous tiens, non ?

Je vous déclare, chères lectrices et chers lecteurs, que je n’écrirai rien de plus, c’est décidé.

Vous êtes mon associé et c’est vous qui allez sortir la très jolie et très aimable petite fille de son jardin claquemuré.

Abandonner la malle ? Vous n’y pensez pas, elle lui colle à la peau.

La déplacer ? Mais non, je vous ai dit qu’elle était trop lourde et trop bouffée par l’herbe.

La remplacer ? Voyons, la nouvelle finira par être tout aussi remplie que l’ancienne et alors vous recommencerez avec une troisième.

La vider ? La très jolie et très aimable petite fille n’y survivra pas.

Y foutre le feu ? Ah, voilà qui me plaît, mais un peu radical, tout de même.

Quitter le jardin, partir, liquider ses actions ?  Vous y êtes, ça me tente…

Je crois que nous avons tous en nous une très jolie et très aimable petite fille qui a grandi trop vite et sans s’en rendre compte. Nous avons tous gravé le mot « bonheur » sur une copie que nous rapporterions à la maison avec un 10/10 et peu importe le temps qu’il nous faudrait pour rapporter cette maudite copie, notre détermination était sans faille. « Oui, je l’aurai mon bonheur, le vrai, à la force de mes bras et personne ne me l’enlèvera. »

Fermez les yeux quelques instants et faites ressurgir cette copie froissée qui vous a fait tant pleurer que les larmes ont presque absorbé l’intitulé si prometteur, « bonheur ».

Quelle ironie ! Car il s’agit sans doute de l’examen le plus difficile et pour lequel on écarte toute seconde chance ou rattrapage. On veille, on lutte, on saigne pour un idéal lointain qui ne rapporte pas une once de bonheur ! Et si par chance on obtient le tant escompté 10/10, on découvre avec effroi qu’on a posé l’échelle contre le mauvais mur.

J’ai connu ça… Mais mon bonheur à moi s’épelait : A-G-R-É-G-A-T-I-O-N. Non, vous ne bafouillez pas, « agrégation ». Illustre concours qu’on ne fait que murmurer dans les grands amphithéâtres avec un air mystérieux, mystique même, de peur qu’il ne s’échappe avant même qu’on le saisisse à bras le corps. Être agrégatif, c’est comme rentrer dans les ordres, un ami s’est exclamé un jour. Il n’avait pas tort ! On fait vœu de tout : bonnes séries Netflix, repas équilibrés, théâtre, musées, voyages, sport, rêves (au sens littéral, on dort si peu, qu’on ne rêve plus et au sens figuré, on apprend à ne plus aspirer à rien d’autre qu’à une admissibilité en Olympe)… Bref, on désapprend à vivre pour une période indéterminée.

Au fil des mois, vos compagnons de chaîne devenus par nécessité vos seuls amis, se dissolvent dans les pages des ouvrages qu’ils prolongent indéfiniment à la bibliothèque pour empêcher tout concurrent d’en bénéficier. Rendez-vous compte, certains braquent des casinos pour faire fortune, vous, vous avez jeté votre dévolu sur le Littré 4e édition augmentée pour ingurgiter et régurgiter à l’oral plus de mots que tous les agrégatifs réunis. Quand je vous parlais de non-vie…

Donc ces fameux compagnons de chaîne à la fois amis et ennemis finissent par devenir des stéréotypes. Dans le jargon universitaire, on parle de « bêtes de concours ». Effectivement, l’univers du bestiaire est assez approprié : plus le temps pour le shopping, plus le temps pour le brushing, plus le temps pour le maquillage, plus de temps pour le repassage, plus le temps pour le rasage, plus le temps pour le lavage, plus de temps, plus de temps… Si par malheur pour prenez six minutes pour dîner, c’est trois minutes en moins pour ficher la vie de Philippe Auguste et donc trois minutes en plus que vous laissez à vos acolytes.

Vous entrez dans une espèce de « Hunger Games universitaire ». Eh oui, sélectionné dans le district 13, vous êtes entraîné, formé, modelé par d’anciens survivants du super-concours (qui soit dit en passant ne se sont jamais remis à la vie sociale, au shopping, au resto, au voyage, car après le super-concours, il y a la super-thèse) qui vous évitent les erreurs de débutant et contrôlent votre bachotage comme on contrôle le poids d’un jockey.

Abrégeons. Vous survivez à l’écrémage des pré-sélections, j’entends par là, les mois de préparation à quarante heures de cours par semaine plus quarante heures de révisions au crépuscule, à l’aube, aux WC, sous la douche, n’importe où. Vous voilà arrivé à la semaine du concours qui connaîtra son lot de déserteurs, les premières victimes des Hunger Games. Vous survivez aux dissertations de sept heures sur les auteurs les plus soporifiques qui soient, aux versions indigestes, aux démonstrations phonétiques vertigineuses et j’en passe. Mais non vous êtes toujours vivant, asphyxié, mais vivant.

Les jours de veille s’installent… Attendre, sans savoir, attendre et travailler comme si on avait réussi. Le jury sait y faire : vous êtes écartelé, démantelé, affamé ou boulimique. Chaque bagnard toise un autre bagnard et s’il ne s’inscrit pas en hurlant aux entraînements oraux, il est perdu, haha, une place de gagnée ! Alors certes, vous avez fait le deuil du shopping, mais il vous reste le bagout et vous le faites tourner dans le palais.

Comment décrire cela ? C’est comme parler avec une patate chaude au fond de la gorge, c’est feint et à la fois ostentatoire, clair et à la fois philosophique. Faute d’avoir le concours, vous saurez parler comme un agrégé, c’est déjà quelque chose ! Au moins le coaching des survivants des derniers Hunger Games aura servi à quelque chose ! Le revers c’est que le jour où vous daignerez accepter la porte de secours – c’est-à-dire le CAPES – vos élèves qui passent leur journée devant les héros-zéros de la téléréalité ne vous comprendront pas.

Bref, vous êtes admissible ! L’étau se resserre. L’oral est à la porte et vous allez pénétrer dans le Saint des saints. Vos examinateurs ne sont pas des survivants des Hunger Games, ce sont les victorieux, les instigateurs, le Capitole, votre but ultime. Vous voyez déjà sur leur front gravé en toutes lettres l’intitulé de votre vieille copie : B-O-N-H-E-U-R ! Vous avez baissé les yeux en croisant un de ces Champions dans l’ascenseur. On ne peut pas se confronter à l’incarnation de la réussite, on est ébloui !

Vous avez à peine dormi, vous êtes migraineux, vide, hagard, mais vous vous raccrochez à ce bout de papier sur lequel est inscrit votre sujet. Si un médecin prenait votre tension, vous seriez déjà embarqué et transfusé, mais bon, l’être humain a tant de ressources qu’il s’accroche comme une teigne dans les conditions les plus insupportables.

Vos genoux s’entrechoquent, vous transpirez, vos mains moites ont fait gondoler le bout de papier que le jury vous arrache et vous êtes certain qu’un papier froissé, c’est déjà deux points en moins. Votre gorge aussi sèche que le désert du Sahara émet des sons d’un autre monde. Vous vous dédoublez et vous vous regardez faire avec terreur tandis que quatre ou cinq juges en stylo plume vous toisent sans sourire, sans sourciller, sans respirer. Vous imaginez la trappe toute puissante qui va vous engloutir d’un moment à l’autre, votre chronomètre s’emballe, les montagnes de livres derrière les Champions au stylo plume démentent votre discours, la tête vous tourne et vos ongles s’enfoncent dans votre jean.

Enfin, votre torture prend fin. A certains moments, vous vous êtes trouvé brillant, à d’autres exécrable. Est venu l’interrogatoire des Champions au stylo plume. On veut vous soutirer des informations, mais ne vous comprenez rien, c’est à peine si vous vous rappelez votre nom et celui de l’auteur et là le Champion au stylo plume resté silencieux les dix premières minutes de la questionnette vous demande : « Que signifie le 9e mot à la 12e ligne de la page 658 ? » Mais voilà, on ne vous laisse plus le temps d’ouvrir le livre et vous ne savez plus quel est ce mot à la 12e ligne de la page 658. Oh ! malheur ! C’est un travail de copiste qu’on attendait de vous ! C’est ça, il fallait vraiment rentrer dans les ordres et recopier le manuscrit en lettres gothiques, le dos courbé sur un pupitre du monastère.

Les Champions au stylo plume vous relâchent après six heures de préparation, quarante minutes d’exposé et vingt minutes de questionnette. Un programme digne de l’Inquisition ! Et demain l’aventure continue…

Arrêtons-la les frais. C’est une notation dégressive : papier froissé -2, interprétation audacieuse -4, erreur de grammaire -6, mot non identifié à la page 658 -8, sueur/tremblements/joues empourprées -10. On vous laisse deux points pour l’honneur, mais vous vous demanderez longtemps si agiter le bras à l’embrasure de la porte et dire fièrement « Eh ben me voilà », puis repartir, n’auraient pas valu le même résultat !

On vous a pesé, on vous a mesuré et on vous a rejeté. Replongez une année supplémentaire (c’est-à-dire recommencez TOUT avec un nouveau programme) ou bien retournez dans votre district 13 qui sent le chômage et le charbon.

Vous l’aurez compris, j’ai perdu mes Hunger Games, mais j’ai pris cinq kilos et je suis revenue bredouille. Après deux semaines d’hibernation en juillet, parce que je n’avais pas vu les saisons passer depuis tous ces mois, autant de larmes que de pages de Rabelais, de Flaubert, de Char (et j’en passe) lues et annotées, j’ai foutu le feu à la vieille malle du jardin de la petite et mignonne maison.

Une amie m’avait dit avec lucidité la veille des résultats : « Et si tu réussissais le concours et que tu réalisais après tant d’années de travail que le bonheur ne s’y trouve pas, mais pas du tout ? »

Juste prédiction, je suis revenue avec ma copie « Bonheur » toute froissée et déchirée et j’ai compris tout au fond de moi que ce rêve n’avait rien à voir avec le Bonheur le vrai, ce n’était qu’une doublure, un fantôme. Et j’ai vu avec tout autant de lucidité mes Champions au stylo plume tirer leur vieille malle derrière eux, tel un boulet accroché à leur pied qui leur lacérait la chair.

Cette copie « Bonheur » prend plusieurs formes : mari parfait, carrière, podium, grande maison, voiture supersonique, corps de rêve, enfants « bibliothèque rose », prix Goncourt, vie sans nuage à rendre jaloux les voisins, page facebook la plus likée…

Ce ne sont que des échelles posées contre le mauvais mur et si par malheur vous atteignez le sommet, vous constaterez avec effroi que l’autre côté est vide, désert, mangé par les mites, un mur en polystyrène en somme.

Mon conseil le voici : laissez votre vieille malle, laissez-la glisser tout doucement dans le passé de votre maison familiale. Vous avez satisfait tout le monde, ces accomplissements ont formé vos muscles et votre intellect, ils sont honorables, mais ils ne sont pas une fin en soi et ils ne résument pas une vie. Ne vous accrochez pas, ne vous débattez pas, faites le deuil de cette vieille malle rouillée qui a été un bon tuteur, mais ne peut plus désormais vous aider à pousser droit.

Moi aussi je suis terrorisée, tout comme vous. Il y a des nuits où la sueur et les larmes mouillent mon oreiller et je cherche dans le noir ma vieille malle comme un membre dont j’aurais été amputée, c’est mon membre fantôme. Il me titille, ça me démange de recréer une nouvelle malle, mais c’est alors que je ferme les yeux, je prends une grande respiration et je lâche mes accomplissements pour embrasser mes échecs…

J’ai autant d’ombre que de lumière et le Bonheur est à mi-chemin entre ces deux pôles. Le corps humain peut recréer nombre de cellules et je sais que mon membre fantôme finira par être comblé et remplacé. Je me saisis de cette vie qui va créer la vie, cette énergie qui va créer le rêve et ce rêve qui naît des cendres de la malle brisée. Toute une éternité qui s’écrit à chaque fois que je me relève…

Lâcher prise

13 février 2019

Confucius a déclaré : “Pour gravir une montagne, il faut commencer par le bas”.

Êtes-vous comme moi addict de la performance ? Vous voyez le sommet et vous fomentez tout un tas de plans pour atteindre le sommet plus vite que tout le monde.

Je crois que nous vivons à une époque de performances, de résultats effrénés et de rapidité défiant la vitesse lumière.

Nos smartphones sont envahis par les applications qui nous promettent des courses achetées avant même de les avoir sélectionnées, des calories brûlées avant même d’avoir posé sur le sol un seul pied, un relooking complet avant même de nous avoir jaugés et mesurés, des musées virtuels visités avant même d’avoir acheté un ticket d’entrée… Et la liste est longue.

Nous croyons sans cesse que la vague de la modernité va nous porter jusqu’au sommet sans avoir à supporter un seul gravier dans notre chaussure.

On nous répète haut et fort que le changement, c’est maintenant et on multiplie les ouvrages de bien-être, de perfectionnement individuel, les tutos YouTube et autres alarmes qui nous sortent de notre apathie quand nous n’avons pas fait notre musculation quotidienne.

On veut tout changer ou plutôt tout masquer par les artifices modernes, persuadés que nous sommes qu’alors nous serons désirables et désirés, admirables et admirés…

J’en retire une grande désolation. Vous savez, “désolation” au sens d’une place autrefois fortifiée mais laissée nue et déserte après le passage de mercenaires.

Nous sommes désolés et isolés dans ces programmes qui nous font miroiter le bonheur et l’acceptation, mais qui laissent parfois le goût amer de la dépression.

Je vois des femmes qui torturent leur corps du matin au soir pour éliminer la cellulite qui les empêche de se glisser dans la boîte de Barbie qu’on leur tend si généreusement.

Michel-Ange, Raphaël et tous les peintres de la Renaissance auraient une syncope s’ils devaient représenter les femmes squelettiques d’aujourd’hui et nul doute qu’ils passeraient à la Genuina et/ou à la Casa Infante de Naples pour leur faire avaler quelques mozzarellas et quelques glaces au lait de buffala avant de les faire poser.

En ce qui me concerne, j’ai trouvé une vérité profonde alors que je marchais sur le sable volcanique de Procida.

Il a fallu que je lâche le contrôle et cela s’est manifesté par la décision soudaine de retirer mes chaussures, mes chaussettes et de vivre cette expérience maritime plus complètement.

Je suis devenue imparfaite : j’ai enfoncé mes orteils dans le sable, j’ai laissé les vagues m’envahir et mouiller mon jean, j’ai accepté que le vent et les embruns me décoiffent et j’ai crié “Advienne que pourra”.

C’est alors que le miracle s’est produit : une paix a parcouru chaque parcelle de mon corps semblable à ces vagues qui vont et viennent sans se soucier des humains qu’elles éclaboussent.

Je n’ai pas eu besoin d’une application pour entendre cette voix qui me chuchotait : “Tu es complète, tu ne manques de rien pour être heureuse, tu es suffisante…”

Il ne tient qu’à vous de vivre un moment parfait dans votre imperfection quotidienne. Car si vous n’êtes pas parfaites et parfaits, c’est parce que vous n’êtes pas encore achevé(e)s.

Mais c’est normal, croyez-moi, c’est le processus programmé dans votre chair et dans votre âme. Comment pourriez-vous vous remplir de la Création si vous étiez déjà achevé(e)s à 30 ans, 60 ans, 90 ans?

Ma faiblesse est un don, grâce à elle, j’accepte de lâcher prise, d’accueillir la vérité et de transfuser en moi la divinité qui m’entoure.

Procida a été le lieu de ma guérison et aucune de mes applications, aucun de mes programmes sportifs n’avaient prévu que le 13 février à 15h je serais en état de recevoir la Grâce.

Confucius avait raison : chaque versant de la vie doit être gravi avant d’atteindre le sommet, mais si nous acceptons les cailloux dans nos souliers, la fatigue, la transpiration, les erreurs de parcours, en définitif, si nous lâchons prise, nous trouverons les points de vue et les crêtes où arrêter notre regard et nourrir notre âme avant de reprendre notre ascension…

Photos de Procida : Copyright@LisePaty

OLIVIERS IN ROMA

Alors que je me promenais dans un jardin à Rome, j’ai été fascinée par un olivier qui se tenait avec beaucoup de dignité au centre d’une petite cour pavée.

J’ai observé son tronc noueux : chaque ligne de vie était enlacée dans une autre et puis poursuivait sa route jusqu’à la terre qui la nourrit.

Savez-vous que le plus vieil olivier est sur terre depuis 3000 ans ?

En marchant autour de cet olivier, j’ai eu l’impression de voir un double de moi-même. Parfois, je crois porter en moi des siècles de vies humaines. Je me sens traversée par toutes ces existences muettes qui ont rendu possible la mienne.

Je suis cet olivier debout sur ce très vieux tronc de générations passées dont les veines s’entremêlent à l’infini et vont puiser dans la terre l’eau nécessaire à ma survie.

Si je parviens à faire naître le silence en moi, je peux entendre toutes ces voix du passé et je comprends alors que mon très vieux tronc vibre, s’émeut et s’attendrit.

En période de sécheresse, les feuilles de l’olivier se recroquevillent pour retenir autant d’eau que possible. Cette eau nourrira les racines pendant plusieurs semaines.

Ces feuilles ovales me fascinent…

Elles sont si fines, si parfaites, si épaisses, si solennelles. Beaucoup y voient le symbole de l’éternité.

Un jour, je parcourais le cimetière où est enterré mon grand-père maternel.

Bien sûr, il me manquait, bien sûr ce vide me pesait.

Mais ces sentiments ont laissé place à la certitude que je devais rétracter mes feuilles pour un temps afin de retenir l’eau dont il avait besoin pour traverser calmement la vallée de la mort.

Nous avions besoin l’un de l’autre et je savais que dans mes temps de sécheresse, il ferait remonter la sève de la délivrance jusqu’à ce qu’une pluie rafraîchissante tombe du ciel.

L’olivier est un microcosme de vie.

Les Anciens l’appelaient l’arbre des dieux.

S’il possède un cycle aussi parfait, ne pouvons-nous penser que l’être humain a été créé avec une matrice tout aussi stupéfiante ?

Rappelez-vous que vous êtes nourris et soutenus par plus de vies minuscules que vous ne pouvez l’imaginer.

Dites-vous que vous avez plus de 3000 ans à vivre.

Photos de Rome et de Colleville-sur-Mer : Copyright@LisePaty

CHRISTIAN OU CYRANO ?

Christian.

Bah ! on trouve des mots quand on monte à l’assaut !
Oui, j’ai certain esprit facile et militaire,
Mais je ne sais, devant les femmes, que me taire.
Oh ! leurs yeux, quand je passe, ont pour moi des bontés…

Cyrano.

Leurs cœurs n’en ont-ils plus quand vous vous arrêtez ?

Christian.

Non ! car je suis de ceux, — je le sais… et je tremble ! —
Qui ne savent parler d’amour.

Cyrano.

Tiens !… Il me semble
Que si l’on eût pris soin de me mieux modeler,
J’aurais été de ceux qui savent en parler.

Christian.

Oh ! pouvoir exprimer les choses avec grâce !

Cyrano.

Être un joli petit mousquetaire qui passe !

Christian.

Roxane est précieuse et sûrement je vais
Désillusionner Roxane !

Cyrano, regardant Christian.

Si j’avais
Pour exprimer mon âme un pareil interprète !

Christian, avec désespoir.

Il me faudrait de l’éloquence !

Cyrano, brusquement.

Je t’en prête !
Toi du charme physique et vainqueur, prête-m’en :
Et faisons à nous deux un héros de roman !

Qui ne connaît pas cette célèbre scène de Cyrano de Bergerac ?

Qui n’a pas pensé : « Mais enfin, si j’étais Roxane, bien sûr que j’aurais choisi Cyrano ! »

Ou encore : « Quel homme ! il aime en secret, il souffre, il parle dans la nuit sous sa fenêtre, il n’est qu’une ombre, qu’un long manteau qui traîne. Il avoue tout trop tard ! »

On aurait pu penser que le taux de « Christians » aurait fortement dégringolé après le succès de la pièce et celui des « Cyranos » meurtris aurait pris son envol.

Mesdames, il n’en est rien…

Quoi que vous en pensez, vous aimez les Christians, c’est plus fort que vous et les Cyranos, eux ne parlent jamais ou trop tard.

Cyrano, Rostand, c’est peut-être l’incarnation d’une voix lyrique toute faite d’idéal, de passion secrète, de poésie, de rêve.

À mon sens, les Christians causent plus mal que jamais à l’heure des réseaux sociaux et des textos.

Ils n’ont même plus besoin d’endosser la fonction de mousquetaire !

Un snap bien posté avec les biscotos, le vent dans le dos, la planche de surf sous le bras et une retouche de dernière minute qui coupe Maman dans l’angle mort. Eh voilà ! le tour est joué !

Christian reconnaissait qu’il ne savait que se taire devant les femmes, mais les Christians-Alerte à Malibu, eux, n’ont pas froid aux yeux. Ah ça non !

Ils vous embobinent à coup de « sa va ? », « ces ça » et « ont se voit la ».

Ils ont un abonnement illimité à la salle de musculation grâce aux étrennes de Maman, ils accumulent les cursus inachevés, les boulots d’été et les journées télé (oups ! jeux vidéos).

Le drame dans tout cela, c’est qu’ils ne savent pas aimer.

Ils voudraient bien que vous soyez la copie conforme de Maman (en plus jeune bien sûr) avec un programme complet : machine à laver, lave-vaisselle, aspirateur, serpillère, cuisinière et comptabilité.

Une femme toute équipée, en somme, avec un soupçon de tendresse et de patience pour l’aider à trouver sa virilité. « Aime ton chéri comme un petit garçon et tu feras un homme de lui ! »

Voilà la recette miracle ! Mais on arrête là, Mesdames, STOP à l’exploitation, vous n’êtes pas de l’électroménager vendu au rabais, parce qu’aucun autre gus ne passait par là le jour des soldes d’été !

Moi aussi je voulais tout contrôler autrefois, je n’ai récolté que des Christians-Alerte à Malibu à élever.

Plus j’en faisais, moins je recevais. L’instinct maternel ne fait pas d’eux des hommes, bien au contraire, ils retournent en enfance en empruntant le chemin de Benjamin Button. Vous, je ne sais pas, mais moi, je n’ai pas envie de bercer un nourrisson comme la pauvre Daisy !

Je crois qu’il y a une parcelle de Cyrano qui réside à l’état d’embryon dans chaque homme mature. Vous me direz, mais lui non plus n’entreprend rien ! Cyrano aime la Roxane idéale et il préfère ne jamais parler plutôt que voir cet absolu se faner avec le quotidien.

Aimer Roxane en bas du balcon sans être vu, c’est plus facile que mettre son âme à nu, se dépouiller du vernis de la maxime et prier pour qu’on soit accepté et aimé tel qu’on est.

Peut-être que Cyrano aurait fini par tout dire si Roxane avait montré sa fragilité, son besoin de tendresse et ses faiblesses. Elle aurait cessé d’être idéale et affreusement parfaite. Elle aurait eu besoin de lui, tout simplement et pas de Christian.

Ce ne sont là que de simples suppositions.

Enfin la conclusion, la voici : les Cyranos vous idéalisent et donc vous trouvent inaccessibles. Ils s’enfuient dans la nuit et laissent les Christians vous embrasser et vous épouser. Les Cyranos ont besoin de se sentir forts et utiles, parce que ce sont des hommes, pas des adolescents attardés.

Alors STOP au gaz asphyxiant plus communément nommé « instinct maternel ».

STOP à l’abrasif féministe « je n’ai besoin de personne ».

Et STOP au spray répulsif et collant « besoin de reconnaissance ».

Soyez des femmes, des vraies, faites-vous désirer, faites-vous cajoler, faites-vous aimer.

Et rappelez-vous que les biscotos ont une fâcheuse tendance à se transformer en graisse avec le temps, surtout si vous cuisinez comme Maman !

LA COURSE AU TRAVAIL

3 FÉVRIER 2019

Je vois des gens totalement affairés et frénétiques.

Certes, travailler apporte une certaine distinction et un certain nombre d’accomplissements.

Certes, nous y passons une bonne partie de notre temps.

Et certes, il faut de l’argent pour vivre.

Mais ne vous y prenez pas ! La reconnaissance avec un grand R ne se trouve pas dans les bureaux capiteux ou dans l’encre noire d’une photocopieuse.

Nous vivons à l’époque de la consommation avec un grand C.

Alors on consomme tout : les biens matériels, les voyages, les services et pour finir les êtres humains.

Eh oui ! on consomme l’humain et on le consume.

Vous n’avez pas droit à l’Erreur, mais vous n’avez pas droit non plus à la Reconnaissance.

Vous ne faites rien que votre travail, alors ne croyez pas qu’on va lever un choeur de louanges à chaque dossier traité, à chaque conversation téléphonique houleuse remportée, à chaque pierre que vous aurez posée au grand édifice de l’entreprise…

Vous êtes remplaçable, vous êtes consommable, vous êtes négociable.

Alors il est plus que temps de regarder par la fenêtre fumée du 120e étage de votre immeuble suréquipé et de vous dire avec honnêteté que la vie, la vraie, n’est pas là !

Faites ce qu’on attend de vous, mais cessez de placer votre potentiel bonheur dans les mains de votre responsable, de votre patron…

Vous découvrirez souvent qu’ils sont eux-mêmes engloutis par un autre super patron qui martèle haut et fort : PRODUCTIVITE, EFFICACITE, RENTABILITE et tout un tas d’autres concepts en -ITE.

Un jour, avec le ton le plus mystérieux, on m’a fait venir dans le bureau du « chef ».

Je m’attendais à recevoir un ou deux compliments, un ou deux remerciements…enfin quelques syllabes qui justifieraient le travail acharné accompli pendant des mois.

J’ai eu un compliment, presque imperceptible, je vous l’accorde, mais il était le gros nœud rouge qui entourait un énorme service qu’on me demandait.

J’avais été choisie pour toutes mes qualités pour accomplir une mission faite sur mesure, on avait pensé à Moi ! Rendez-vous compte !

Enfin il ne faut jamais s’illusionner bien longtemps… Le chef avait devant lui une feuille avec les noms d’autres collègues barrés et j’étais la dernière sur la liste, sa dernière chance d’obtenir un Oui ému, reconnaissant, valeureux.

« On a pensé à vous ! » Dites plutôt : « On n’a plus que vous ! » Ca aurait le mérite d’être honnête…

Il s’est avéré que c’était une mission faite sur mesure pour redorer le blason du chef auprès de la commune, mais qui drainait, pour moi, son lot de fatigue et de contrariété.

Moralité : chercher la reconnaissance en vous-même.

Soyez le capitaine de votre âme comme l’a dit William Ernest Henley.

Et décollez votre visage de la vitre du 120e étage pour voir la Vérité.

Votre travail n’est qu’un moyen pour vivre vos rêves, ceux qui ne s’achètent pas avec de l’argent, ceux qui ne sont pas une promotion, ceux qui ne sont ni consommables, ni négociables, ceux qui vous constituent et doivent être votre seule fin !

Soyez des bâtisseurs et non des consommateurs.

Soyez des rêveurs et non des serviteurs. Soyez vrais.