LA VIE

On parle beaucoup et fort de « la vie ». Concept, tracé linéaire, chemin, succession de jours encore et toujours à l’infini d’une existence pourtant bornée. J’ai découvert que « la vie » pouvait également s’apparenter à un fluide coulant en nous, à une énergie insoupçonnée appelant à elle d’autres énergies de la Terre, alimentant notre souffle, nos cellules, notre corps matériel, notre corps émotionnel et notre corps spirituel.

Il y a quelques jours je roulais vitres ouvertes, l’air était chaud, je traversais un espace de verdure, d’arbres, de billes de lumière perçant les feuilles inégales, l’odeur terreuse montait au nez, ma peau absorbait le soleil d’été et je me sentais terriblement vivante… J’étais en paix et en parfaite harmonie avec mon environnement. Tant d’étapes avaient été franchies ces dernières semaines, tant de conflits intérieurs et extérieurs avaient été soldés, tant de Grâce m’avait été accordée que j’étais remplie de cet amour inouï de l’Univers. Amour qui ne se mendie pas, qui ne se monnaye pas, qui ne se dérobe pas, car on ne triche jamais avec la Création. Il est là tout autour de nous et je crois que c’est bien ça la vie dans sa plénitude au sein d’un monde si imparfait et asphyxiant parfois. Ces quelques minutes dans ma voiture, j’ai accueilli l’amour de l’Univers et je me suis sentie bel et bien hors du temps et hors d’atteinte. C’est une histoire entre Lui et moi et c’est bien comme ça, non ?

Je pense aux conseils voire aux exigences qu’on nous impose sur comment vivre, comment « mener sa vie » avec une certitude bien présomptueuse quant aux conséquences attendues et nécessaires. Pour ces personnes-là qui se disent « bien intentionnées » et « guidées par le souci, l’amour et j’en-passe », il n’existe qu’un seul chemin de vie, tout le reste est une erreur, un dérapage incontrôlé et la promesse d’un malheur…

Il ne viendrait à l’idée de personne que ces échanges musclés et guidés par « le souci, l’amour et j’en-passe » sont des manifestations d’une certaine manipulation psychologique et émotionnelle, une invasion dans l’espace privé du libre arbitre si nécessaire à la vie voire un comportement hautement abusif !

Il s’avère que ces individus donneurs de leçons guidés par « le souci, l’amour et j’en passe » sont en réalité totalement dépourvus de la vie dans son abondance et son courant enivrant, car quand on est rempli de cette énergie positive, on trouve enfin le centre de tout : son centre, celui de son être et de son existence et il est hors de question de l’abandonner pour envahir celui de l’autre.

Être vivant, c’est comme le berger Santiago de Coelho pouvoir parler le langage de l’Univers, dialoguer avec le vent du désert et les éléments et trouver ainsi sa place dans le grand tout. On prétend connaître et tout intellectualiser, mais en vérité on ne connaît jamais les êtres que nous côtoyons dans leur entièreté et leur mystère, ils nous sont offerts un moment pour que deux énergies vitales circulent librement mais ils ne nous appartiennent pas, nous devons alors admettre que nous ne savons rien, comme dirait Socrate, très peu sur nous et quasiment rien sur l’autre…

Ce jour est enfin arrivé où je suis rentrée en moi-même. L’humilité qui consiste à admettre qu’on ne sait rien devient un espace entrouvert où le langage de l’Univers, ce qu’on appelle « la vérité » peut affluer en nous, nous remplir, faire reculer les ténèbres et habiter le divin. Mais cette démarche suppose qu’on quitte le groupe pour s’entendre respirer, penser, se confronter à ses vieux démons de l’enfance, se voir dans toute son imperfection et sa faiblesse avant de mieux tout embrasser. Faire tomber le masque et ne plus jamais le porter pour plaire aux parents, au grand frère, à la grande sœur, aux donneurs de leçons, aux juges en cartable, à l’amoureux et j’en passe.

Puis le don nous est fait d’apprendre à aimer l’autre sans égocentrisme, sans fuite loin de nous-mêmes, sans faux-semblants. Deux énergies se frôlent et valsent ensemble à la perfection dans un glissement de peau à peau, des baisers sont soufflés, des caresses échangées et le Créateur sourit sur ses créations. La vie devient plus pressante, palpable, réelle et pleine dans le don échangé de l’amour. L’aimer lui sans tout savoir, sans vouloir tout savoir et sans s’accrocher par peur du vide. Pleurer après avoir crié le vrai et s’être souvenue de ce qui retenait l’énergie vivace des sens, faire entrer la vie, la sienne, la mienne et la nôtre dans le glissement des voiles tout contre la porte-fenêtre, aspirés par l’air chaud du dehors puis l’air chaud du dedans…

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