21 septembre 2019

Quel noble message que celui apposé au fronton du Panthéon !
Dominant avec aplomb la rue Soufflot et le jardin du Luxembourg, le Panthéon érigé sur la montagne Sainte-Geneviève aux heures sombres de la Révolution se tient immobile pour contempler la « patrie reconnaissante ».

Tombeau des grands hommes qui ont œuvré pour la nation et de quelques grandes femmes arrachées à l’obscurité dans laquelle sont confinées tant d’autres…
Le Panthéon réunit les plus féroces ennemis : Rousseau et Voltaire se font face pour l’éternité après s’être affrontés violemment pendant des décennies. Il me suffit de coller l’oreille contre la froide sépulture de Voltaire pour l’entendre encore rire aux dépens de son vieil ami, le promeneur solitaire d’Ermenonville qui continue de bercer les visiteurs de mièvres confessions.

J’aime la simplicité toute calcaire de la crypte funéraire. Un nom et deux dates grattés sur le caveau dans la pâle clarté s’échappant de l’ouverture grillagée. Aucun des Illustres n’est placé au-dessus des autres et aucun n’est oublié, comme le prouve la plaque dédiée aux Justes silencieux qui ont préservé l’humanité de la France et sauvé des vies pendant une période noire de tant de compromis et de trahisons.
Aucun des Illustres n’est placé au-dessus des autres et aucun n’est oublié…

C’est en remontant de la crypte que j’ai été prise au piège par les Révolutionnaires en rage ameutant la foule indécise, le poing dressé, les chevaux cabrés et le regard fiévreux. Je me suis rapidement éloignée pour contempler les majestueuses représentations de Jeanne, Sainte-Geneviève, Saint-Louis, Charlemagne, Clovis, chacun touché par la Grâce à un moment déterminant de son existence pour le bien de tout un peuple.

Le mot « panthéon » signifie en grec « pour tous les dieux ». La triple coupole – nul besoin de vous rappeler combien je suis fascinée par les coupoles – la grande nef, la mosaïque de l’abside, tout semble conduire le visiteur à la paix d’un autel et au murmure des prières s’échappant des corps à genoux sur le marbre froid ou le front appuyé contre le bois verni des bancs vides.
J’ai cherché l’autel sous la coupole, mais à la place j’y ai trouvé La Convention nationale et ses révolutionnaires enragés.

J’ai cherché l’autel sous la coupole, mais à la place j’y ai trouvé La Convention nationale et ses révolutionnaires enragés qui m’avaient effrayée quelques minutes plus tôt. C’est après l’enterrement de Victor Hugo en 1885 que le mobilier religieux va être banni du Panthéon. Quelle ironie de rendre hommage au créateur de Jean Valjean, ce porteur de chandeliers célestes touché par la Grâce et racheté par une vie d’amour, en chassant de son dernier séjour tout ce qui relie à Dieu et donc à l’âme même de ses œuvres !

Assise sur le marbre froid de la grande nef, j’ai levé les yeux, mais je n’y ai trouvé que l’orgueil des hommes, la Révolution et ses crimes déguisés sous les traits d’une Marianne jeune, belle, pure et libre. Je me suis alors relevée et j’ai jeté un dernier regard tout autour de moi : les statues de Diderot, de Mirabeau, des généraux révolutionnaires, des publicistes de la Restauration m’écrasaient…

Des siècles de mensonges étalés à la vue de tous, le culte de l’homme substitué au culte de Dieu, la religion républicaine ayant déraciné le culte de l’âme, la Raison triomphante étranglant la Foi. Comme vous pouvez l’imaginer, je me suis emmêlé les pieds dans le Pendule de Foucault qui bat dans la nef pour démontrer la rotation de la Terre et symboliser ainsi notre toute-puissance au sein de l’Univers, aimanter que nous sommes par l’attraction terrestre, ou comme j’aime à le penser, notre nombril qui rationalise beaucoup et prie peu.




Je ne veux pas faire les directeurs de conscience rétrogrades, mais simplement nous rappeler que nous sommes aussi un peuple de clochers qui a fui Dieu pour le Progrès, oubliant ainsi que la véritable lumière se trouve le dos dans l’herbe humide et le regard attaché aux luminaires célestes et non dans les applaudissements tempétueux de nos semblables.
Nous sommes aussi un peuple de clochers qui a fui Dieu pour le Progrès.

Amoureuse de la démocratie et de la liberté des peuples, je ne comprends pas pourquoi 1789 a pensé inconciliables le gouvernement du peuple par le peuple et celui de l’âme par la foi religieuse. Pourquoi avoir tué les prêtres, pillé les églises, profané les tombes des rois à St Denis, noyé femmes et enfants et brulé le cœur chrétien sur l’autel de la Révolution ? Il y a une terrible omertà qui perdure encore au XXIe siècle : la nation, les historiens, les enseignants refusent de dire les crimes de 1789, fustigent toute religion et volent la chrétienté.
J’applaudirais tout édifice dédié à la République et fait à son image, mais je suis indignée qu’on fasse irruption dans une basilique pour en arracher la croix, détruire l’autel et traîner l’orgue à l’extérieur.

En descendant les marches et en photographiant le parvis du Panthéon, je n’ai entendu nulle musique, nulle plainte mystique, seulement les pas précipités et hagards des visiteurs et la gloire toute sèche des hommes. J’y ai repensé quelques semaines plus tard quand, contemplant la pâle silhouette d’une religieuse à genoux dans un recoin de l’abbaye du Mont-Saint-Michel, j’ai écrit une courte prière à la suite de tant d’autres. Un concentré de foi, de rêves et d’amour laissé à Dieu, prolongement d’une main tremblante et d’une voix intérieure insistante.

J’ai entendu l’orgue plaintif du Panthéon, il cherchait un tabernacle où demeurer :
« Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête. » (Matthieu 8 : 20)
Alors j’ai pleuré et fait de la place dans mon cœur pour le chant de l’orgue, avant que, un jour, il ne remplisse la Terre…

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